127 victimes de traite sur la période 2021 - 2022

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Publié le 29.02.2024 à 16h45 Mis à jour le 29.02.2024 à 17h09

La Commission consultative des Droits de l’homme constate une hausse du nombre de victimes de traite des êtres humains et demande notamment la création d’un poste de coordinateur national de la lutte contre la traite.

Tous les deux ans, la CCDH présente son rapport à la Chambre des Députés. Le nombre total de victimes recensées dans le rapport 2021/22, 127 victimes ou victimes potentielles, est en nette augmentation par rapport au rapport 2019/2020 qui faisait état de 23 victimes détectées sur la période observée.

 

Gilbert Pregno, Président de la CCDH, a expliqué aux députés que ce changement important était explicable en partie par les difficultés liées à la recherche des victimes pendant la période de la pandémie et par le démantèlement sur la période observée d’un réseau de prostitution en appartement. De manière générale, Gilbert Pregno a regretté que « les coupables de traite s’en sortent trop bien », notamment en se voyant infliger des sanctions qui ne correspondent selon lui pas à la gravité de leurs actes. Concernant les auteurs des faits, le rapport établit leur nombre à respectivement 21 femmes et 7 hommes. La nationalité la plus représentée chez les auteurs est la nationalité chinoise.

« Les coupables de traite s’en sortent trop bien »

 

Gilbert Pregno, Président de la CCDH

La plupart des cas concernent l’exploitation sexuelle (55 cas) et l’exploitation dans le monde du travail (55 cas, principalement dans les secteurs de l’Horeca et de la construction) répartis sur les années 2021 et 2022. La mendicité forcée représente quant à elle 12 cas en 2021 et aucun cas en 2022. Les nationalités les plus représentées parmi les victimes sont les nationalités roumaine, ukrainienne, russe, chinoise. La CCDH n’a pas relevé de cas de trafic d’enfants ou d’organes.

 

La CCDH note que la plupart des cas sont détectés par la Police, mais souligne que l’Inspection du travail et des mines a mené des réformes positives et devient plus proactive dans la détection. Au sujet du travail de la Police, la CCDH affirme que les moyens informatiques dont elle dispose pour le traitement des données ne sont techniquement pas à la hauteur et appelle à une inclusion du STATEC pour mettre en place de nouveaux outils.

 

 

« Il faut un coordinateur national de la lutte contre la traite »

 

Dans le cadre de la présentation du chapitre du rapport consacré au cadre juridique, les représentants de la CCDH ont affirmé que la politique en matière de lutte contre la traite au Luxembourg manquait de cohérence, ajoutant que « les acteurs travaillent dans leur coin » et sont confrontés à une surcharge de travail. La CCDH recommande ainsi de mettre en place un coordinateur national de la lutte contre la traite des êtres humains, proposition qui a été saluée par certains députés.

 

Les représentants de la CCDH regrettent également que le Luxembourg soit un des seuls pays qui ne dispose toujours pas de programme de protection des témoins, rendant la prise de parole des victimes plus difficile.

 

Le rapport consacre également un chapitre aux liens entre traite et immigration et s’intéresse entre autres aux risques auxquels sont exposés les mineurs non accompagnés (MNA). Les auteurs recommandent encore de supprimer le lien qui peut exister entre dénonciation de faits de traite par une victime et son exposition potentielle à une procédure d’expulsion. Ils notent également une approche « trop passive » des administrations concernées en ce qui concerne la détection de cas de traite lors des procédures de protection internationale.

 

 « Revoir le cadre légal »

 

Les auteurs du rapport sont revenus sur les conséquences judiciaires pour les auteurs dans les cas de traite entre 2013 et 2022. Ils relèvent ainsi sur la période observée 48 peines de prison entre 6 et 48 mois et aucune condamnation criminelle. 43 amendes entre 500 et 20.000 euros auraient été prononcées. 

 

Sur 135 victimes confirmées, seules 8 demandes d’indemnisation auraient été formulées, pour des montants allant de 3.500 à 120.000 euros. Les sommes allouées à ces victimes sont bien plus faibles, allant de 1.038 à 5.000 euros.

 

La CCDH parle globalement dans ses conclusions de « sanctions plutôt clémentes » et recommande ainsi de « revoir le cadre légal et de prévoir des formations obligatoires, de haute qualité et continues pour les magistrats ».

 

Tout en insistant sur le fait qu’il n’était pas à la Chambre de se prononcer sur ce qui tombe sous la responsabilité des tribunaux, un député de la majorité a voulu savoir si les représentants de la CCDH avaient des contacts avec les autorités judiciaires pour exposer leur point de vue. Les représentants de la CCDH ont affirmé qu’il y avait un « comité traite » au sein duquel le Parquet est également représenté et où le rapport allait être présenté. Gilbert Pregno a encore affirmé qu’il « souhaite que la magistrature lise notre rapport ».

 

Les députés ont également interrogé les membres de la CCDH au sujet de l’assouplissement du droit d’enquête sous pseudonyme, qui est une de leurs revendications. Ces derniers ont reconnu qu’il était difficile de trouver une solution équilibrée, mais que cette approche était nécessaire car les enquêteurs ne parviennent parfois pas à trouver les indices nécessaires, notamment sur les réseaux sociaux.

 

Mendicité : il ne faut pas « punir les victimes »

 

Les auteurs du rapport se montrent critiques sur l’interdiction de la mendicité, notamment sous prétexte de lutte contre la traite, affirmant qu’il fallait, s’il y a véritablement des indices de traite, « protéger et soutenir ces personnes et punir les auteurs et non les victimes. ».

 

L’intégralité du 4e Rapport sur la traite des êtres humains au Luxembourg de la Commission consultative des Droits de l’Homme est désormais disponible en téléchargement.