La Justice manque d’effectifs face à la criminalité financière

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Publié le 27.06.2024 à 19h05 Mis à jour le 27.06.2024 à 19h05

Les 15 magistrats affectés à la lutte contre la criminalité financière ne suffisent pas, selon des représentants du parquet. Même constat de besoin de personnel supplémentaire chez la Police judiciaire, chez les juges d’instruction ou à la Cellule de renseignement financier (CRF).

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Plusieurs représentants de la justice, dont le Procureur général d’État Martine Solovieff, le Procureur du parquet de l’arrondissement de Luxembourg Georges Oswald ou encore Jean-François Boulot, procureur adjoint et Chef du Département éco/fin du Parquet de Luxembourg, ont été reçus en Commission de la Justice pour un échange autour des besoins en matière d’effectifs des institutions judiciaires pour remplir leur mission de lutte contre la criminalité économique et financière.

 

Plus de 400 dossiers « en réserve »

 

Interrogés par les députés sur l’origine des problèmes qu’ont les autorités judiciaires à traiter le nombre d’affaires financières, les représentants de la Justice ont notamment affirmé que « ce retard existe depuis l’émergence de la place financière dans les années 80 » et ne s’est jamais résorbé. Les chiffres cités par les différents intervenants illustrent cette réalité, notamment ceux qui concernent les « réserves », les affaires qui sont en attente d’instruction. Il y aurait ainsi 400 dossiers, souvent volumineux, en attente de traitement par la Justice. Georges Oswald a notamment affirmé dans ce contexte que les autorités judiciaires sont « victimes de leur succès » et reçoivent de plus en plus de dénonciations de la part des différentes administrations. Et d’ajouter, à titre de comparaison, qu’il y avait au Luxembourg plus de 1000 personnes à la CSSF et seulement 15 magistrats au parquet économique.

 

Pas assez de sanctions par rapport au volume d’argent brassé 

 

Les députés ont souhaité revenir sur l’évaluation du Luxembourg par le Groupe d'action financière (GAFI). Les représentants de la justice ont expliqué que le GAFI teste l’efficacité technique (la législation) et l’implémentation. Ils ont affirmé que « nous avons les textes nécessaires » mais que « l’efficacité pratique » laisse à désirer. Le GAFI affirmerait ainsi qu’il n’y aurait clairement pas assez d’affaires traitées, pas assez de volume et pas assez de confiscations par rapport à la quantité d’argent que représente la place financière au Luxembourg. Il faudrait ainsi « plus de condamnations et de confiscations » et « des sanctions effectives et dissuasives » afin que les prochaines évaluations aillent dans le bon sens, d’où un besoin clair en termes de ressources humaines.

 

Les constats sont similaires auprès des représentants de la police judiciaire et des juges d’instruction, qui parlent également d’une accumulation des affaires et d’un manque d’effectifs pour les prendre en charge, créant des situations de surcharge de travail très difficiles à gérer par le personnel en place.

 

Un député de l’opposition a voulu savoir si les problèmes rencontrés dans le traitement des dossiers étaient également liés au secret bancaire et s’il fallait le supprimer. Les représentants de la Justice ont affirmé qu’il s’agissait d’une question politique.

 

Un projet de loi pour augmenter les recrutements dans la magistrature 

 

Un projet de loi, déposé lors de la législature précédente, qui va dans le sens de recrutements supplémentaires suit son parcours législatif à la Chambre des Députés. Il s’agit du projet 8299A. Georges Oswald s’est félicité de cette avancée, mais a affirmé qu’il fallait « aussi rapidement trouver les fonctionnaires et les greffiers nécessaires » pour accompagner le travail des magistrats. Un point partagé par Martine Solovieff, qui a notamment affirmé souhaiter le recrutement de 18 nouveaux greffiers. 

 

La Ministre de la Justice Elisabeth Margue a affirmé en début de réunion que des propositions des autorités judiciaires étaient en cours d’examen et que le gouvernement allait étudier l’opportunité de prendre des mesures législatives. 

 

À la suite des explications des représentants de la Justice, le Président de la Commission de la Justice Laurent Mosar s’est dit « assez effrayé » par la situation de manque d’effectifs décrite. Il a invité ses interlocuteurs à revenir en Commission de la Justice dans un an pour faire un bilan des mesures.