Histoire de la Constitution

Les quatre propositions de révision (nos 7575, 7700, 7755 et 7777) s’inscrivent dans une démarche de modernisation de la Constitution actuelle, initiée par la proposition de révision n°6030 déposée en 2009 et instruite par la Commission des Institutions et de la Révision constitutionnelle (ci-après la « Commission ») pendant près de dix ans.

La proposition de révision de la Constitution n°6030, déposée le 21 avril 2009 par le député Monsieur Paul-Henri Meyers, est le résultat d’une réflexion commune menée au sein de cette Commission depuis l’année 2005.

Alors que la période 1999-2004 avait été marquée par cinq lois de révision portant sur les articles 24, 51(6), 52 alinéa 3, 63, 64, 114 et 118 de la Constitution, la Chambre des Députés a décidé en janvier 2005 d’intensifier ses travaux au sujet d’une modification générale et d’un nouvel ordonnancement de la Constitution.

Les travaux de la Commission ont été basés sur une proposition d’ordonnancement du texte constitutionnel élaborée en 2000 à sa demande par deux constitutionnalistes étrangers éminents, les professeurs Monsieur Francis Delpérée et Madame Constance Grewe.

La réalisation de ce projet d’envergure a été facilitée par le nouveau mécanisme de révision de la Constitution instauré par la loi du 19 décembre 2003 portant révision de l’article 114 de la Constitution. Avec cet assouplissement des modalités de révision, la Chambre des Députés n’était plus contrainte de passer par de nouvelles élections et la désignation préalable des articles à modifier pour réviser la Constitution. Les conditions pour mener une réflexion générale longue et approfondie ont donc été réunies.

L’exposé des motifs de la proposition n°6030 énumère trois raisons qui plaident en faveur d’une refonte de la Constitution : « la modernisation de la terminologie désuète par endroits, la nécessité d’adapter les textes à l’exercice réel des pouvoirs et l’inscription dans la Constitution des dispositions relevant d’une pratique coutumière et inscrites dans d’autres textes échappant à l’intervention du législateur ».

Au fil des travaux parlementaires, nourris par un nombre important d’avis, et avec les encouragements du Conseil d’Etat, instance de consultation de premier ordre, la Commission a décidé d’aller plus loin dans la réécriture de la Constitution et d’y apporter plus de modifications qu’initialement prévues, même si plus de la moitié des dispositions prennent leur origine dans la Constitution actuellement en vigueur. Un certain nombre de dispositions tiennent compte des avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, connue sous le nom de « Commission de Venise », organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles. Il en est ainsi, par exemple, de la clause transversale, qui s’inspire de l’article 52, paragraphe 1er de la Charte de l’Union européenne et de l’article 18 de la Convention européenne et qui dispose que toute limitation de l’exercice des libertés publiques doit respecter leur contenu essentiel.

L’ampleur des modifications a pris une envergure telle qu’il a paru logique de parler du projet d’une nouvelle Constitution et de reformuler l’intitulé dans ce sens.

A noter que la Chambre des Députés a décidé de faire participer directement les citoyens dans la phase de genèse du texte. D’abord en soumettant, en 2015, trois questions constitutionnelles controversées (l’ouverture du droit de vote aux Luxembourgeois entre seize et dix-huit ans, l’ouverture du droit de vote à des résidents non-luxembourgeois, et la limitation des mandats ministériels) à leur vote par la voie d’un référendum, puis en lançant un appel public à commenter et à soumettre des propositions en vue de l’élaboration du texte final.

Cette participation citoyenne, via l’appel à propositions (« Är Virschléi ») et les forum-citoyens, une première en son genre pour le Luxembourg, a eu un effet direct sur les travaux en Commission. Elle a également permis de présenter les textes intermédiaires au grand public en mettant en place un premier débat public sur ce dossier, à la fois politique et technique.

Tout en procédant à un certain nombre de modifications ponctuelles du texte constitutionnel, la Commission a continué en parallèle ses travaux sur un nouvel ordonnancement de la Constitution et une adaptation de son contenu. Parmi les révisions constitutionnelles récentes, il y a lieu de citer l’introduction de l’état de crise en 2017 (Mém. A-908 du 16 octobre 2017 ; doc. parl. 6938) et deux modifications ayant trait à la Cour Constitutionnelle en 2019 (Mém. A - 831 du 10 décembre 2019 ; doc. parl. 7474A) et en 2020 (Mém. A - 406 du 15 mai 2020 ; doc. parl. 7414B).

Les travaux de la Commission ont permis d’aboutir à un large consensus sur un projet d’une nouvelle Constitution, marqué par l’adoption, en juin 2018, d’un rapport (cf. doc. parl. 603027).

Ce consensus ayant été remis en question, il a été décidé de procéder à une révision de la Constitution actuelle datant de 1868, par étapes et par chapitres, et en fonction des priorités arrêtées par la Commission.

Les textes proposés pour les quatre révisions constitutionnelles sont l’expression d’un compromis, dépassant les clivages traditionnels entre majorité gouvernementale et opposition.

Respectueux de l’histoire institutionnelle du pays, les nouveaux textes correspondent à l’état de la société en ce début de 21e siècle.