POLINDEX 2024 : la confiance démocratique s’érode mais reste élevée par rapport aux pays voisins

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Publié le 25.02.2025 à 15h18 Mis à jour le 26.02.2025 à 10h34

La satisfaction dans le système démocratique est passée de 90% en 2004 à 68% en 2024. 

Entre satisfaction démocratique, confiance envers les institutions et méfiance politique : l’étude « POLINDEX 2024 » dresse un bilan de l'état de la démocratie au Luxembourg. Tous les résultats ont été présentés à l'occasion d'une conférence de presse ce mardi 25 février à la Chambre des Députés.

L'étude POLINDEX 2024 a été réalisée par la Chaire de recherche en études parlementaires de l'Université du Luxembourg en collaboration avec l'institut de sondage ILRES S.A et avec le soutien de la Chambre des Députés. 


La conférence de presse a eu lieu en présence du Président de la Chambre des Députés Claude Wiseler, du Prof. Dr. Philippe Poirier, titulaire de la Chaire de recherche en études parlementaires et de la Dr. Agnes Darabos.

Les déclarations de Philippe Poirier, auteur de l’étude, et de Claude Wiseler, à la suite de la conférence de presse

Philippe Poirier

 

On constate une érosion de 22% de la satisfaction en notre système démocratique luxembourgeois qui passe de 90% en 2004 à 68% en 2024. Pourquoi ?

 

Philippe Poirier : La première raison, c'est que des citoyens au Luxembourg n'ont plus de rapport à la politique. Ça ne fait plus partie de leur univers social, de leur pratique au quotidien. Donc la perte de confiance, c'est aussi synonyme de la distanciation vis à vis du politique.

 

Ça, c'est la première raison. La deuxième raison, c'est un phénomène global des démocraties occidentales, comme nous l'avons montré. C’est-à-dire que de plus en plus de citoyens considèrent que la démocratie n'est pas forcément le meilleur régime politique. Cela reste minoritaire au Luxembourg et très minoritaire. Mais c'est l'une des raisons de cette perte de confiance dans la démocratie parce que des citoyens estiment qu'il y a d'autres options pour décider des orientations politiques et économiques.

 

Et puis, la troisième raison, c'est que nous sommes dans une démocratie spécifique où près de la moitié de la population adulte n'a pas un rapport direct aux institutions représentatives. Ils ne votent pas une élection législative au Luxembourg. Ils ont un rapport distancié vis à vis du gouvernement et donc la perte de la confiance dans les institutions c'est pour l'ensemble de la population, luxembourgeois comme étrangers résidants.

 

La confiance reste globalement plus élevée que dans les pays voisins. Est-ce à cause de la bonne santé économique du Luxembourg ?

 

Philippe Poirier : C’est la clef de compréhension principale de la confiance dans la démocratie représentative au Luxembourg. La situation économique, l’essor économique, la stabilisation économique et aussi l’enrichissement général individuel que ce soit les Luxembourgeois comme des étrangers par rapport à leurs voisins immédiats, en France et en Allemagne par exemple, fait que la confiance dans le système démocratique est plus élevée, c’est la clé de voûte.

 

Mais c’est aussi pernicieux, j’allais dire pour l’avenir, si jamais il y avait un ralentissement économique ou une crise économique, alors très rapidement, le « trend » qu’on l’on voit dans la démocratie luxembourgeoise rejoindrait très rapidement ce qui se passe en Allemagne et en France.

 

Donc c’est une arme à double tranchant. Tant mieux que la situation économique est plutôt préservée. Clé de voûte de la démocratie. Mais il suffit d’un ralentissement économique ou se dérouleront les mêmes phénomènes qui se situent ou qui se déroulent en France et en Allemagne notamment. J’ajouterai aussi un élément important au-delà de la question économique si le « trend » est moins fort au Luxembourg, c’est aussi parce que la socialisation politique au Luxembourg reste dans la proximité, la relation amicale, la relation familiale et la confiance plus grande dans les médias professionnels au Luxembourg que dans les autres démocraties. Donc, c’est un second point à souligner.

 

Claude Wiseler

 

Un chiffre vous a inquiété pendant la présentation des résultats de POLINDEX. Lequel ?

 

Claude Wiseler : C’est le chiffre qui montre que 35% des jeunes luxembourgeois entre 18 et 24 ans et presque 50% des jeunes non luxembourgeois, à la question de savoir si la démocratie est la meilleure forme de gouvernement, n’ont pas spontanément répondu « oui » mais « non » ou « je ne sais pas ». Pour moi c’est inquiétant parce que c’est un chiffre élevé et que l’hésitation par rapport à la démocratie me pose, en tant que politicien et Président de la Chambre, un ensemble de questions.

 

Je trouve que nous ne pouvons pas simplement accepter cela et nous devons analyser plus en détail ce que signifie cette réponse, quels sont les besoins et qu’on doit aller vers ces jeunes pour parler de la démocratie, de la liberté, de nos institutions, de la manière dont fonctionne le pays, du vivre ensemble et essayer de les convaincre que la liberté et la démocratie sont des valeurs qui sont extrêmement importantes. 

 

Que voulez-vous faire concrètement en réponse à ces chiffres ? 

 

Claude Wiseler : Je pense que pour la prochaine étude, que nous préparons pour 2025, on doit regarder de manière plus précise ce qui signifie ce « non » ou ce « je ne sais pas » quand on pose une telle question. Est-ce que ça veut dire qu’on veut une dictature ? ou est-ce que ça veut dire qu’on est insatisfaits du fonctionnement de notre démocratie ? est-ce que ça veut dire qu’on veut plus de leadership en démocratie pour que les choses aillent plus vite ? Ce sont des possibilités de réponse qui sont totalement différentes et je veux mieux comprendre ce que signifient ces réponses pour pouvoir donner de meilleures réponses aux jeunes dont il faut prendre les soucis au sérieux. 

La Chambre soutient activement la recherche en études parlementaires

 

Depuis octobre 2011, la Chaire de recherche en études parlementaires de l'Université du Luxembourg, financée par la Chambre des Députés, a pour finalité de contribuer à la connaissance, à l’étude et au fonctionnement de la démocratie et du parlementarisme dans le processus décisionnel national, européen et international.

 

La Chaire contribue à des activités de recherche dans les domaines des politiques publiques, de la sociologie politique, du droit parlementaire et constitutionnel, des études européennes de la législation et de la politique comparée.