« Il faut pouvoir se préparer aux chocs économiques futurs »

Artikel
Publizéiert le 26.03.2024 à 15h14 Update le 26.03.2024 à 15h15

Des représentants du Conseil national des finances publiques (CNFP), emmenés par le Président du CNFP Romain Bausch, ont été reçus en Commission des Finances pour présenter leur évaluation des finances publiques.

Diane Adehm, Présidente de la Commission des Finances et Romain Bausch, Président du Conseil national des finances publiques

Dans son analyse présentée aux députés dans le cadre des travaux de la Chambre sur le Budget, ce mardi 26 mars, le CNPF a observé un ensemble d’indicateurs comme les prévisions de croissance, l’inflation, la situation sur le marché du travail ou encore le respect des objectifs budgétaires à moyen terme (OMT).

 

Ses membres comparent notamment les données du projet de Budget à celles du Programme de stabilité et de croissance (PSC) et en tirent un certain nombre de conclusions destinées à éclairer les travaux sur le Budget et émettent des recommandations.

 

La sécurité sociale se replie progressivement à partir de 2023

 

Parmi les points d’attention soulevés par le CNFP, la capacité de récupération des finances luxembourgeoises lorsque le pays fait face à de grandes crises. Le CNFP observe dans ce contexte que le Luxembourg s’est remis rapidement de crises passées (bulle internet en 2004, crise financière en 2008, crise sanitaire en 2020) avec un solde budgétaire qui est toujours repassé dans le positif.

 

Le pays semble cependant peiner à partir de 2023, avec un solde budgétaire négatif de l’ordre de 1% du PIB jusqu’à la fin des prévisions en 2027. Une des causes évoquées est celle des mesures en matière de solidarité énergétique. Le CNFP n’exclut cependant pas des résultats meilleurs que prévus, affirmant, lors de l’échange qui a suivi avec les députés, que les prévisions officielles sur lesquelles ses membres basent leur évaluation sont souvent trop négatives. Leurs auteurs pourraient également, ajoutent-ils, proposer plus de scénarios et faire preuve de « plus de créativité ».

 

Autre sujet sur lequel le CNFP met en garde : celui de la sécurité sociale.  Celle-ci devrait encore être en surplus en 2027, avec une prévision à 261 millions d’euros, mais risque le déficit à partir de 2028. Les prévisions tablent sur un repli progressif après 2023. Elles passent progressivement d’un surplus de 1.055 millions d’euros en 2023 à 261 millions en 2027. Le CNFP appelle dans ce contexte à faire « attention à la soutenabilité à long terme ».

 

« Perspective assombrie »

 

Globalement, les représentants du CNFP ont parlé de « perspective assombrie » par rapport au PSC de 2023. Celui-ci tablait sur une croissance de 2% du PIB pour 2023, avec un résultat qui est finalement celui d’une récession de 1% du PIB. Les prévisions de croissance pour les années suivantes montrent encore une disparité avec les prévisions du PSC pour l’année 2024 puis se stabilisent autour de 3% pour les années suivantes. Les chiffres restent, après la période de récession, meilleurs que ceux de la zone euro. Les représentants du CNFP de conclure que « les chiffres sont plus mauvais qu’il y a un an mais vont dans une direction positive ».

 

Pour le CNFP, l’économie luxembourgeoise serait confrontée « aux mêmes défis » que les autres pays avancés, notamment celui d’une inflation élevée malgré une diminution, de 3,7% en 2023 à 2,2 % en 2024, avec un rebond à 3,3% en 2025, attribué au plafonnement des prix énergétiques, puis une baisse pour revenir en dessous de l’objectif des 2% de la Banque centrale européenne avec un taux de 1,6% prévu pour 2027.

 

En somme, les perspectives macroéconomiques ne seraient « pas dramatiques, mais plus mauvaises qu’il y a un an ».

 

Pour un nouveau cadre budgétaire national

 

Autre sujet évoqué lors de la réunion, celui des changements en ce qui concerne le cadre budgétaire européen. Le Luxembourg respecterait l'objectif budgétaire à moyen terme (OMT) qui est le solde budgétaire structurel cible de chaque État membre par rapport au PIB sur la période observée (0,00% du PIB pour le Luxembourg). Un écart est prévu en 2025 (-0,32% du PIB) mais il demeure peu important.

 

Ce cadre juridique, entré en vigueur en 2014, doit cependant changer en 2025, avec l’introduction d’un nouveau cadre légal européen, a observé le CNFP. À l’avenir, seuls les pays qui ne respectent pas les critères de Maastricht (déficit inférieur à 3% du PIB, dette publique inférieure à 60% du PIB) seraient soumis à des objectifs budgétaires européens.

 

Pour Romain Bausch, il faut combler cette absence de cadre en se dotant, parallèlement à la transposition du futur cadre européen en droit national, d’un cadre luxembourgeois spécifique, puisque le cadre européen envisagé n’aurait pas d’effet sur le Luxembourg, celui-ci respectant les critères de Maastricht. Romain Bausch a ainsi plaidé pour le maintien d’un outil de type « OMT ». Répondant à une question des députés, le Président du CNFP a affirmé qu’il était possible dans ce contexte de trouver des solutions créatives et que le CNFP « était disposé à apporter son aide en la matière ».

 

Ce point a donné lieu à plusieurs échanges avec les députés. Certains députés de l’opposition ont notamment voulu savoir pourquoi il faudrait dans ce contexte « se corseter » en se donnant de nouvelles règles strictes alors que le pays aurait justement besoin de « flexibilité » afin de financer des réformes. Romain Bausch a affirmé dans ce contexte que le cadre devrait notamment servir à garantir une vision à long terme, notamment pour assurer la pérennité du système de sécurité sociale.

 

La discussion a encore porté sur la façon dont un tel cadre devrait être mis en place sur le plan législatif. Romain Bausch ne plaide ni pour un ancrage dans la Constitution, qui aurait un effet supérieur à la loi budgétaire, ni pour une inclusion directement dans la loi budgétaire. Une députée de l’opposition a fait remarque dans ce contexte que si on se dotait d’une simple loi, elle n’aurait alors qu’une valeur « psychologique » puisque les auteurs de la loi budgétaire pourraient s’en affranchir.