Point sur les menaces à la sécurité démocratique

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Publié le 11.04.2025 à 08h34 Mis à jour le 11.04.2025 à 09h31

Au Palais de l'Europe à Strasbourg, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a tenu sa dernière partie de session sous présidence luxembourgeoise du 7 au 11 avril 2025. Celle-ci s'est distinguée par l'intervention de S.A.R le Grand-Duc de Luxembourg. Xavier Bettel, ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, a porté la voix du Comité des Ministres en plaidant pour une refonte des institutions multilatérales, appelant à renforcer significativement le rôle des assemblées internationales dans la gouvernance mondiale. 

La session printanière, marquée par l'intensité des débats, a abordé les crises qui ébranlent l'espace européen et au-delà : l'arrestation controversée du maire d'Istanbul, les tensions politiques en Géorgie, l'agression russe en Ukraine, la montée des contestations dans les Balkans occidentaux, le drame humanitaire à Gaza, et la Convention sur la protection de l'environnement par le droit pénal. Les parlementaires ont également débattu des menaces grandissantes que l'ingérence étrangère fait peser sur nos démocraties, de l'impératif de mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, ainsi que des défis éthiques liés à la corruption au sein même du Conseil de l'Europe.

La délégation luxembourgeoise a été représentée par Gusty Graas, Octavie Modert, Yves Cruchten, Paul Galles et Alexandra Schoos.

APCE - 04 2025 - photo de groupe
(La délégation luxembourgeoise auprès de l’APCE avec le LL.AA.RR. le Grand-Duc et la Grande-Duchesse et le ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, Xavier Bettel

Les tentatives de déstabilisation extérieure

L'APCE a adopté un rapport condamnant les tentatives d'ingérences étrangères dans les processus électoraux européens. Cette résolution souligne l'importance de respecter les droits humains tout en appelant à une « approche sociétale globale » face à ces menaces. Le texte invite les États membres à renforcer la résilience de leurs institutions démocratiques.

Dans son intervention, le président de la délégation luxembourgeoise, Gusty Graas, a alerté sur l'évolution de ces menaces, passées de « subtiles » à « manifestes ».  Il a plaidé pour l'intégration de cette préoccupation dans les stratégies de sécurité nationale et a souligné le rôle crucial de l'éducation pour développer l'esprit critique des jeunes citoyens. Le député luxembourgeois a également présenté plusieurs initiatives nationales. Il a évoqué le « stress-test » démocratique lancé par la Chambre des Députés pour identifier des pistes de renforcement institutionnel, ainsi qu'une motion parlementaire visant à renforcer la résilience démocratique du pays. M. Graas a par ailleurs mentionné l'adoption d'une Charte sur l'intelligence artificielle encadrant l'utilisation éthique de ces technologies au sein du parlement luxembourgeois.

Le blocus humanitaire à Gaza

Paul Galles a inauguré le débat d'actualité en mettant en lumière la « situation humanitaire inhumaine » qui sévit à Gaza. Depuis le 2 mars 2025, le blocus entravant l'acheminement de l'aide humanitaire compromet gravement la survie de deux millions de personnes privées des ressources vitales que sont l'eau potable et la nourriture. Le député luxembourgeois a manifesté sa profonde inquiétude face aux agressions perpétrées contre les acteurs humanitaires tels que l'ONU, le CICR et MSF, dont la mission consiste uniquement à « fournir une assistance humanitaire et neutre ». Avec conviction, M. Galles a rappelé l'importance de préserver une vision équilibrée des aspirations légitimes des peuples israélien et palestinien, en favorisant le dialogue tant avec la Knesset qu'avec le Conseil national palestinien.

Après un échange animé entre les différents intervenants, Paul Galles a clos le débat en rappelant avec fermeté une distinction essentielle: « Hamas n'est pas la Palestine, la Palestine n'est pas le Hamas. Israël n'est pas la politique du gouvernement, la politique du gouvernement n'est pas Israël. »

L’UE et la CEDH

Dans leur rapport sur les aspects juridiques de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, les parlementaires ont salué les avancées significatives permettant de surmonter les derniers obstacles techniques et juridiques. Une étape décisive a été franchie le 10 septembre 2024 avec l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne clarifiant sa compétence en matière de politique étrangère et de sécurité commune. Cette décision lève le dernier obstacle majeur au processus d'adhésion et insuffle une nouvelle dynamique au dossier.

Lors du débat, Octavie Modert, vice-présidente de la délégation luxembourgeoise, a souligné dans son discours  la complexité juridique qui a ralenti ce processus pendant plus de 12 ans, tout en rappelant le chemin qu'il reste à parcourir avec 47 ratifications nécessaires. « Il est temps de reprendre le sujet en mains », a-t-elle déclaré, soulignant l'importance symbolique de cette avancée alors que nous célébrons le 75e anniversaire de la Convention européenne des droits de l'homme. Mme Modert a plaidé pour une adhésion des plus rapides afin d'éviter « une fragmentation des droits fondamentaux » et d'assurer une protection plus complète pour tous les citoyens européens.

Autres événements marquants

En marge de la session parlementaire, la délégation luxembourgeoise a tenu une rencontre avec la délégation des forces démocratiques du Bélarus, qui jouit du statut d'invité spécial à l'assemblée. Les échanges ont porté sur la problématique des passeports expirés des ressortissants bélarusses résidant à l'étranger. À ce sujet, « The Luxembourg Solutions » avait identifié une potentielle approche. La discussion a exploré la possibilité d'établir une entité centralisée de délivrance de documents, potentiellement basée au Luxembourg.

Gusty Graas, président de la délégation luxembourgeoise, a présenté le processus de sélection des trois candidats, au titre du Luxembourg, au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). La sous-commission des Droits de l'Homme, présidée par Mme Octavie Modert (qui s'est retirée de la présidence pour ce point spécifique), a examiné la procédure et validé la liste finale qui sera soumise au Comité des Ministres pour décision.

Une exposition intitulée « Indésirables/ victimes oubliées » de la Seconde Guerre mondiale au Luxembourg a été inaugurée par la représentation luxembourgeoise auprès du Conseil de l’Europe et la direction du Musée de la Résistance et des Droits humains d’Esch-sur-Alzette. Gusty Graas a à cet égard salué l’exposition itinérante qui offrant enfin « une voix à celles et à ceux condamnés au silence ».