Les députés peuvent-ils agir lorsque le fondement factuel d'une loi leur semble erroné ?
Note de recherche scientifique
Publié le 08.10.2024 à 15h25
Mis à jour le 30.10.2024 à 16h30
Réponse à cette question par un état des lieux du droit et des pratiques au Luxembourg ainsi qu'un bilan comparatif incluant vingt-trois Parlements.
- La présente note scientifique a pour point de départ une série de questions posées dans le contexte de la loi de financement « Bascharage » de 2018 par la députée requérante.
- L’objectif de cette note n’est, toutefois, pas d’examiner les données au fondement de cette loi ou même d’évaluer cette loi, en particulier. Différemment, il s’agit de fournir une analyse plus générale d’une part, des moyens de contrôle dont disposent les députés en cas de doute quant à la véracité de données factuelles au fondement d’un projet de loi et d’autre part, des règles éthiques et déontologiques auxquels ils sont soumis.
- Il ressort qu’au Luxembourg, aucune règle ne prévoit que les textes législatifs sont adoptés sur la base de données vérifiées et aucune conséquence juridique ne peut être envisagée si l’adoption d’une loi a été précédée de débats parlementaires dont le fondement semble erroné.
- À l’étranger, bien que des moyens de contrôle existent également pour permettre aux parlementaires de s’informer sur les données employées à l’occasion de l’élaboration législative, le fait qu’une loi soit adoptée sur la base d’informations erronées n’a, comme au Luxembourg, aucun effet juridique sur le texte, qui peut simplement être remis en cause politiquement.
- En ce qui concerne le cadre éthique et déontologique, le système luxembourgeois ne prévoit pas de règle susceptible de garantir la véracité des données factuelles au fondement d’une loi. Ainsi, le Code de déontologie des membres du Gouvernement ne les contraint pas explicitement de fournir des informations dont la véracité et le bien-fondé sont vérifiés. En ce qui le concerne, le Code de conduite des députés ne contient aucune recommandation permettant aux députés de s’assurer que le fondement factuel d’une loi est vérifié et non erroné.
- Parmi les systèmes étrangers étudiés où les membres du Gouvernement sont soumis à un cadre éthique et déontologique, aucun ne les contraignent non plus explicitement à apporter aux parlementaires des informations vérifiées et non erronées. Par ailleurs, les règles de conduite à destination des parlementaires ne leur recommandent presque jamais de s’assurer que le fondement factuel d’une loi n’est pas erroné.
- Finalement, à l’étranger, rares sont les codes recommandant aux parlementaires de prendre leurs décisions en se fondant sur des faits vérifiés et des informations exactes afin d’aboutir à l’interprétation la plus juste possible.
- L’analyse comparative montre qu’en définitive, les États reconnaissant explicitement aux parlementaires des moyens d’agir face au fondement factuel potentiellement erroné d’une loi sont particulièrement rares. Les règles de conduite à destination des parlementaires ne précisent pas que leurs décisions doivent être fondées sur des informations vérifiées, sauf en Autriche, en Pologne et en Lettonie, où ces dispositions restent toutefois assez générales.
- Le Luxembourg ne constitue donc pas, loin s’en faut, une exception en la matière. En effet, le système luxembourgeois comme les systèmes étrangers ne prévoient pas de cadre juridique permettant de s’assurer que les textes législatifs ont été adoptés sur la base de données vérifiées. Si une loi est adoptée sur la base d’un fondement factuel qui semble erroné, les députés luxembourgeois comme leurs homologues étrangers peuvent uniquement faire jouer la responsabilité des membres du Gouvernement sur un plan politique, par exemple en leur posant des questions ou encore en déposant une motion de censure.