« Le conflit au Haut-Karabagh ne doit pas tomber dans l’oubli »

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Publié le 01.03.2023 à 01h44 Mis à jour le 10.03.2023 à 16h43

Visite officielle du Bureau de la Chambre des Députés en Arménie : la situation au Haut-Karabagh, territoire au centre des tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan voisin, a été abordée lors de plusieurs entretiens.

La Vice-Présidente du Bureau de la Chambre Djuna Bernard et le Président de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie Alen Simonyan

C’est à Yerevan, capitale de l’Arménie, que la délégation luxembourgeoise du Bureau de la Chambre, sous la conduite de la Vice-Présidente Djuna Bernard, enchaîne depuis lundi matin des réunions de travail et des visites officielles.

 

Djuna Bernard est entourée à cette occasion des députés Yves Cruchten, Claude Wiseler et Martine Hansen. Depuis le début de la visite officielle, qui doit durer trois jours en tout, les députés ont eu l’occasion de rencontrer plusieurs dignitaires arméniens. Ils ont ainsi pu s’entretenir avec le Président de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie Alen Simonyan et avec le Premier ministre Nikol Pashinyan. Ils ont également rencontré Armen Grigoryan, Secrétaire du Conseil de sécurité, ainsi que les représentants du Groupe d’amitié Arménie-Luxembourg de l’Assemblée nationale et des représentants d’organisations non-gouvernementales.

La délégation luxembourgeoise en compagnie de Sona Ghazaryan, Présidente du Groupe d’Amitié Arménie-Luxembourg et de Tigran Balayan Ambassadeur de la République d’Arménie pour le Grand-Duché

L’Arménie reste menacée dans un contexte géopolitique tendu face à l’Azerbaïdjan

 

Un sujet est revenu systématiquement lors des échanges : le conflit qui oppose l’Arménie à son voisin l’Azerbaïdjan et plus particulièrement les enjeux liés au territoire du Haut-Karabagh. Pratiquement tous les représentants arméniens ont partagé un sentiment : il ne faut pas que la situation internationale actuelle, liée à la guerre en Ukraine, mène à ce que les tensions et la situation humanitaire liées au Haut-Karabagh soient « oubliées » et sortent de la sphère des préoccupations des puissances internationales.

 

Le blocage de la route d’accès au corridor de Latchine, qui relie l’Arménie et le Haut-Karabagh, a été cité à plusieurs reprises. Ce blocage entraîne, selon les représentants arméniens, une crise humanitaire au Haut-Karabagh.

 

Les députés luxembourgeois ont reconnu à cette occasion que la situation au Haut-Karabagh avait été partiellement éclipsée par la guerre en Ukraine. Ils ont cependant tenu à souligner que la visite officielle qu’ils mènent en Arménie vise à montrer que le Luxembourg ne considère pas le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan comme résolu.

 

Que demandent les arméniens au Luxembourg ?

 

Djuna Bernard a tenu à assurer aux différents interlocuteurs arméniens que la position du Luxembourg était claire, affirmant « nous sommes du côté de l’Arménie et nous voulons une paix qui respecte la souveraineté du pays ».

 

Questionnés par les députés sur ce qu’ils attendaient de la part du Luxembourg, les représentants arméniens ont affirmé que des initiatives comme la participation d’un représentant des forces de l’ordre luxembourgeois à une mission civile de l’Union européenne en Arménie étaient d’une grande aide et avaient un effet dissuasif sur l’Azerbaïdjan, qui serait toujours en train de chercher des raisons pour justifier des interventions supplémentaires dans le Haut-Karabagh et pèserait les conséquences d’éventuelles actions militaires.

 

Au-delà de cet exemple concret, les représentants arméniens ont affirmé qu’ils attendaient également des acteurs luxembourgeois qu’ils fassent pression sur les responsables politiques d’Azerbaïdjan afin d’aider à aller vers une résolution du conflit et une stabilisation des relations entre les deux pays.

 

Les représentants arméniens n’ont pas manqué de saluer plusieurs initiatives luxembourgeoises, dont deux motions déposées par Claude Wiseler et Laurent Mosar et adoptées par la Chambre des Députés en 2020. Ces textes sont notamment critiques sur le rôle de la Turquie dans le dossier du Haut-Karabagh.

Les relations avec la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine

 

Les relations de l’Arménie avec la Russie ont été abordées lors de plusieurs échanges entre les députés et les représentants arméniens. Ces derniers ne cachent pas le fait que la Russie dispose de nombreux « points de pression » qu'elle peut utiliser pour influencer l’Arménie. Parmi ceux-ci, la grande dépendance énergétique de l'Arménie. Mais il y a aussi une dimension sécuritaire, notamment parce que la Russie dispose de personnel militaire stationné au Haut-Karabagh, qui a jusqu’à présent été présenté comme une force « pacificatrice » censée avoir une fonction de maintien de la paix.

 

Le Président de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie Alen Simonyan a affirmé que les arméniens avaient longtemps pensé que la Russie allait les soutenir dans les différends qui opposent l'Arménie à l’Azerbaïdjan, mais que cette perception avait changé, notamment parce que la Russie semble désormais entièrement préoccupée par la situation en Ukraine et que sa position était ambivalente en ce qui concerne le Haut-Karabagh.

 

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a quant à lui souligné qu’il fallait encore « démontrer que la démocratie peut aussi garantir la sécurité du pays » et qu’il voyait dans ce postulat un élément important de sa mission politique.

 

La mémoire du Génocide

 

Une visite au Mémorial Tsitsernakaberd, qui commémore le Génocide arménien, a marqué de par la force du symbole le second jour de la visite. À cette occasion, les députés ont déposé une gerbe en mémoire des victimes et ont pu assister à une visite guidée. La presse arménienne avait fait le déplacement pour couvrir l'événement.

 

Le Luxembourg a adopté en 2015 une résolution pour reconnaître le génocide des Arméniens.

Les députés se sont recueillis au Mémorial Tsitsernakaberd dédié aux victimes du génocide des Arméniens.

Rencontre avec des organisation non gouvernementales arméniennes

 

« Le gouvernement et la majorité parlementaire arménienne ont besoin de contrepoids ». C’est ce qu’ont déclaré en essence les représentants de plusieurs ONG membres du groupement « Article 3 » actives en Arménie lors de leur entretien avec les députés de la délégation luxembourgeoise.

 

Lors de l'échange, certains des représentants présents à la réunion ont ainsi affirmé que toutes les décisions en faveur de la démocratie prises par le pouvoir politique actuel, qui dispose de 70% des sièges au Parlement, étaient du fait du bon vouloir des dirigeants politiques et ne résultaient pas d’un débat avec une véritable opposition démocratique.

 



Les représentants des ONG ont également égratigné les partis d’opposition arméniens, qu’ils ont qualifié de « proxys de la Russie ». La vulnérabilité de l’Arménie aux pressions externes, notamment en ce qui concerne ses besoins énergétiques, a également été évoquée. Selon les représentants d’ Article 3, cette vulnérabilité ainsi que d’autres seraient exploitées à des fins d’influence de l’opinion publique, notamment par la Russie, afin de faire croire aux arméniens que le chemin vers un système plus démocratique était incompatible avec les questions de sécurité. La corruption resterait quant à elle un réel problème en Arménie.

 

La visite officielle se poursuivra en Géorgie

 

Une partie de la délégation luxembourgeoise quittera l’Arménie mercredi afin de se rendre en Géorgie et d’y poursuivre la visite officielle qui doit se terminer vendredi. Les députés seront notamment reçus par le Président du Parlement de Géorgie Shalva Papuashvili, qui a récemment effectué une visite officielle au Luxembourg.